jeudi 12 octobre 2023

La mémoire du Siège de 1543 au Palais Massena

 Jusqu’au mois de janvier 2024 le Palais Masséna à Nice propose une exposition sur le thème de Catherine Ségurane. De nombreuses pièces relatives à l’héroïne niçoise et à son acte de bravoure lors du Siège de 1543 sont exposées pour rappeler aux Niçois cette page de leur histoire.


Le cheminement de l’exposition rappelle que la mémoire du Siège de 1543, qui a eu une grande importance dans la formation de l’identité niçoise, s’est d’abord construite autour de la figure de la Madone du Sincaïre avant que la « Maufacha » ne fasse son entrée dans l’histoire au XVIIeme siècle sous la plume d’Honoré Pastorelli.


L’Archiconfrerie des Pénitents Bleus de Nice a prêté la vénérable statue de la Madone du Sincaïre dont elle a la garde depuis le XVIIIeme siècle. Cette statue du XVIeme siècle est l’antique Madone du Secours sculptée au lendemain du Siège, devant laquelle nos aïeux ont déposé tant de joies et de peines, devant laquelle les Consuls ont juré la reconnaissance éternelle de la cité. 
Autrefois les édiles de Nice venaient visiter cette « Mère secourable » chaque année au cours d’une grande procession d’action de grâce depuis le palais communal, aujourd’hui la métropole expose ce pieux objet dans un musée… autre temps, autres usages, mais l’hommage demeure: que les commissaires de l’exposition en soient remerciés.

Pour confier notre précieuse Madone à son écrin muséal, M. le prieur Sébastien Richard, était accompagné de sa fille Eléonore Richard et de MM. Lucien Mari et Jean-Paul Faraut, officiers de la Société du Saint-Sépulcre en charge de la conservation de la chapelle.










jeudi 27 juillet 2023

La Madone du Sincaïre et le Siège de Nice de 1543

 En cette année 2023 la Ville de Nice a décidé de redonner sa solennité à la commémoration du Siège de 1543. Alors qu’en 1971 l’évêque de Nice avait décidé de suspendre la procession solennelle du 15 août conduite par les pénitents bleus, la mémoire du Siège franco-turc n’était plus entretenue que par l’hommage à Catherine Ségurane célébré chaque année le 17 novembre. La Ville de Nice a donc décidé de transférer la fête de Catherine Ségurane au 15 août et de la coupler à une procession solennelle de l’Assomption qui reliera la chapelle des pénitents bleus à l’église du Port, cette formule devra permettre de renouer avec l’antique tradition du renouvellement du Vœu des Consuls pour remercier la Vierge du Sincaïre de sa protection lors du Siège de 1543. Les pénitents bleus, qui ont la garde de la statue de ND du Sincaïre et la charge d’entretenir la mémoire du Vœu municipal, s’associeront à l’évènement.



Afin de rappeler à chacun l’importance de la date du 15 août 1543 dans l’histoire de Nice, nous vous livrons ci-dessous la traduction des pages que Pietro GIOFFREDO lui consacra dans son ouvrage Storia delle Alpi Marittime à la fin du XVIIème siècle.

L’année 1543 a été funeste pour la cité de Nice, et terrible pour maints autres lieux de la Chrétienté, à cause de la désolation, des rapines et des dommages causés par l’armée des Turcs venus en Provence depuis Constantinople à l’appel de Français qui se déshonorèrent (…) en ouvrant la porte aux plus grands ennemis des Chrétiens. (…)

 

Le 15 août, jour de l’Assomption de Notre-Dame, cent-vingt galères ennemies sortirent du port de Villefranche et se disposèrent en ordre depuis la pointe du Mont Boron tournées vers le château ou vers la ville, ils commencèrent le bombardement à 8h du matin, soit 4 heures avant midi, visant l’un ou l’autre avec un déluge de canonnade si terrible que le ciel disparut et que la terre et la mer semblaient s’effondrer. Depuis la terre les Turcs et les Français, attaquant ensemble, tiraient de tous les côtés, et d’une façon plus particulière au niveau de la brèche qu’ils avaient faite au Bastion de la Pairolière au niveau de la tour dite de « Cinquaire » (car elle a cinq angles) où est appuyé le bastion de St Georges. Ils attaquèrent de façon si terrible que, sans l’aide de Dieu qui ne voulait pas que ces chiens répandent le sang des chrétiens, et sans l’intercession de la glorieuse Vierge Marie dont la fête était solennellement célébrée dans la vieille cathédrale du château en ce jour, il faut croire qu’ils seraient facilement entrés. Mais ils furent vigoureusement repoussés par les habitants de la cité. 

Alors que les ennemis, arborant leur étendards, entreprirent d’escalader la brèche, alors que la bannière toscane de Leone Strozzi se faisait fort d’égaler les barbares par émulation de courage, cette menace incita les Niçois, résolus à sacrifier leurs vies au service de Dieu et de son Prince, à se défendre avec animosité, tuant et abattant beaucoup d’ennemis, faisant fuir les Turcs et les Toscans ensemble à travers les fossés de la brèche. Giovio dit que ce jour là, grâce à de valeureux combats, un étendard a été pris aux Turcs, en tuant celui qui le portait, et un autre aux Toscan dont on conserve les restes. Mais plus précisément les mémoires du président Lambert notent qu’en ce jour les Turcs perdirent trois étendards et qu’ils laissèrent beaucoup de morts tués par les citoyens qui défendaient la brèche ou par l’artillerie qui défendait le château. Un de ces étendards, apporté jusqu’au château, fut accroché à l’envers à la vue de tous les ennemis. Onorato Pastorello ajoute que, selon une tradition, une de ces bannières fût arrachée par une femme niçoise, appelée la Maufaccia, et qu’en voyant son geste, d’autres femmes firent la même chose, elles se mirent à combattre à la tour de Cinquaire. C’est en cet endroit que, pendant l’assaut, apparut aux yeux de tous la Madone très sainte en train d’abattre les ennemis et d’encourager les citoyens et, en mémoire de ce fait (alors qu’une chapelle de dévotion a été construite à cet endroit, ce que nous raconterons plus tard), chaque année une procession a lieu ce jour selon un vœu public, et pour rappeler son origine ont été fixés au murs de la chapelle des boulets de fer d’une taille extraordinaire en témoignage de la protection de la Mère de Dieu apportée dans la fureur de cette bataille. De nos jours la chapelle a encore été agrandie et embellie avec grande dévotion, les murs du porche ayant été recouverts de belles peintures représentant l’histoire du Siège et du conflit. Il n’y a pas qu’à Nice que des prodiges semblable eurent lieu, à Villefranche un soldat turc pénétra dans l’église ND des Grâces, aujourd’hui couvent des capucins, il tira une salve violente vers les yeux de la statue de la Vierge mais la balle de plomb revient en arrière et se logea dans les yeux du misérable sacrilège, le rendant aveugle, et il était encore aveugle quelques années plus tard lorsque le rencontra Antonio Camosso, prieur de Coarraze, alors qu’il était prisonnier dans le Negroponte.

Peu après vêpres les galères et les troupes terrestres s’éloignèrent et, en se retirant, ils eurent la funeste velléité de tirer encore des salves vers la ville, vers la bande de St Dominique et vers le donjon du château or la plupart des boulets dépassèrent leur but et tombèrent dans leur propre camp, causant de grands dommages dans leurs rangs. Ainsi ce jour ont été comptabilisés 950 tirs d’artillerie tirés par l’ennemi qui tuèrent une centaine de Turcs et vingt-deux Toscans.

Pour renforcer les citoyens, fatigués par les combats de la journée, la nuit suivante plusieurs capitaines qui défendaient le château se portèrent vers le couvent St Augustin pour assurer La Défense de la brèche du Cinquaire en cas de nouvelle attaque de l’ennemi.

 

D’après Pietro GIOFFREDO, Storia delle Alpi Marittime, vol. V, Torino,1839, traduction Société du St Sépulcre, 2023.




lundi 10 avril 2023

Panégyrique de Véran et Lambert, évêques de Vence

 Discours prononcé par M. le prieur Sébastien Richard à l'occasion de l'office du Siège célébré sur le plateau Saint-Michel à Vence le lundi 10 avril 2023.

 Panégyrique de St Véran et St Lambert

10 avril 2023

 Véran et Lambert, saint Véran et saint Lambert.

Deux hommes qui ont vécu parmi nous.

 Véran qui a vécu au Vème siècle. Un des premiers évêques de cette cité, un de ceux qui ont implanté le christianisme sur ces terres. Sa vie religieuse il l’a commencée à Lérins qui était alors une forteresse de la culture dans un empire qui s’écroulait sous les assauts des invasions barbares. Devenu évêque de Vence il fut confronté à la guerre et aux tueries. Alors que les Barbares d’Euric pillaient, incendiaient, massacraient, alors que les édiles municipaux de Vence avaient fuit pour protéger leurs vies, alors qu’aucune armée ou puissance publique ne s’opposait à l’avancée des hordes sanguinaires, Véran se leva. Non, la destruction, le mal, la mort ne peuvent avoir le dernier mot… Véran, armé de sa foi et conscient de sa responsabilité, fortifié par l’exemple de son Seigneur qui s’offrit librement au sacrifice de la Croix, saint Véran se leva et partit à la rencontre du chef barbare pour négocier le salut de son peuple en échange de sa vie. Et le païen Euric, impressionné par le courage du petit évêque, passa sans faire couler le sang.

Véran, bouclier de son peuple ; saint Véran, bon berger qui protège son troupeau.

 Lambert qui a vécu au XIIèmesiècle. Issu lui aussi de Lérins mais en d’autres temps. Son époque c’était celle du triomphe des seigneurs féodaux, c’était celle des guerriers à cheval qui tyrannisaient, brutalisaient et méprisaient leurs contemporains, c’était celle des paysans laborieux qui ont sorti de la pierre la moindre petite parcelle de notre terroir. Devenu évêque de la cité de Vence il fut confronté aux injustices qui pesaient sur son peuple du fait de seigneurs intransigeants et de clercs indignes. Face à l’ignominie des puissants qui se disaient pourtant chrétiens Lambert se leva. Non l’injustice, la souffrance, la mort ne peuvent avoir le dernier mot… Lambert armé de sa dignité d’évêque, conscient de son autorité morale, fortifié par l’enseignement de son Seigneur qui a placé les pauvres et les petits au premier rang, saint Lambert se leva et excommunia les comtes et les barons qui pratiquaient le servage. Il fit bâtir le premier hospice destiné à soigner les pauvres et les malades de Vence. Il imposa à son clergé une vie de sobriété au service du peuple chrétien.

Lambert, épée de son peuple ; saint Lambert bon berger qui protège son troupeau.

 Voilà, chers amis, qui furent nos saints patrons, deux hommes parmi les hommes de leur temps. Ils ont mis leur honneur à soutenir, à défendre, à aider nos aïeux pour qu’ils vivent dans la dignité. Ce sont nos héros. Chaque peuple a ses hautes figures, ses Hercule et ses Jeanne d’arc. Le peuple de Vence a Véran et Lambert. Alors ce ne sont certes pas les héros modernes à la Marvel ou à la Netflix, ils n’ont pas de superpouvoirs, ils n’ont pas sauvé la planète d’une invasion extra-terrestre… Mais ils étaient des gens comme nous et parmi nous. Et ils sont toujours avec nous, leurs corps reposent dans notre vieille cathédrale et leurs voix résonnent encore depuis le sommet du Baou jusqu’aux contreforts des Malvans, depuis les sources de la Cagne jusqu’aux gorges de la Lubiane : « Vençois ! Soyez unis, soyez forts, soyez courageux ! Battez-vous pour la justice, pour la foi, pour l’honneur »

 Ces voix résonnaient encore lorsqu’au XVIème siècle les Guerres de Religion déchiraient ces terres. Alors que la cité de Vence était assiégée par son propre seigneur temporel, alors que son évêque se cachait derrière les remparts de Nice, alors que personne ne se souciait du sort de nos aïeux, les Vençois se levèrent. C’est naturellement qu’ils se tournèrent vers Véran et Lambert pour refaire leurs forces, pour retrouver le courage et l’unité. Et la victoire fut. Elle fut, contre toute attente, du côté du peuple face à son suzerain, du côté des travailleurs et des paysans face aux canonniers et aux mousquetaires, du côté des humbles face aux puissants. Une victoire inattendue, une victoire comme on les aime : le petit qui bat le grand, le faible qui défait le fort… C’est cela que nous commémorons aujourd’hui. Ce matin nous nous souvenons d’une communauté unie, guidée par l’exemple de Véran et Lambert. Nous affirmons qu’un peuple rassemblé peut faire basculer l’histoire. Voilà le sens profond de cette traditionnelle procession du lundi de Pâques.

 Quelques médisants incertains ont voulu vous priver de cette Messe du Siège, arguant que cette célébration ravivait les divisions des guerres de religion… Quel argument pitoyable, quelle erreur de jugement, quelle bêtise ! Nous sommes ici parce qu’en Provence la fête est d’abord l’occasion de refaire l’unité de la communauté. La structure est toujours la même : on sort tous ensemble de la ville, on commémore les hauts-faits de l’histoire de la cité, on célèbre la messe avec nos saints patrons, on se souvient de nos défunts. Une fois ce rite accompli on retourne en ville pour les festivités profanes (le banquet, le bal ou la bataille de fleurs) et on célèbre bruyamment la vie, la joie, le bonheur renouvelé d’être ensemble. C’est le rituel ancestral de la fête patronale, du festin, de la fête votive : une journée entière qui devient un moment de communion pour resserrer les liens entre les habitants. C’est une formule aussi vieille que notre civilisation, chaque geste et chaque étape ont du sens, à Vence comme à Arles, à Nice comme à Nîmes, à Avignon comme à Forcalquier, jusque dans le plus petit de nos villages. Et on commémore toujours des batailles gagnées, des épidémies vaincues, des vœux exaucés parce que c’est dans ces situations difficiles que nos aïeux ont donné le meilleur d’eux-mêmes.

 Alors peut-être qu’à l’heure de la mondialisation, du réchauffement climatique et de la guerre en Ukraine cette formule est obsolète. Peut-être que dans notre monde qui va toujours plus vite et qui s’épuise à vouloir tout changer, tout moderniser, tout transformer, peut-être qu’il faut envisager de faire évoluer nos façons de faire la fête… peut-être. Peut-être. Mais je suis sûr d’une chose, si nous abandonnons ce qui fait l’identité de Vençois, si nous oublions Véran et Lambert, si nous effaçons notre histoire particulière et nos spécificités culturelles, nous ne formerons jamais plus une communauté unie, nous serons des individus interchangeables dans un magma culturel aseptisé et insipide. Vence ne sera plus alors qu’un point géographique quelconque, une place au soleil comme une autre…

 Mais nous sommes là ce matin, nous avons répondu fidèlement à l’appel de Pâques. Nous sommes avec saint Véran et saint Lambert et je loue la persévérance, le courage et la patience de ceux à qui nous le devons : Marc, Barthélémy et Marie-Eve, Estelle, Jean-Pierre et vous tous qui perpétuez ce geste ancestral qui nous réunit. Alors que notre cité se transforme à un rythme effréné, alors que chaque matin voit l’arrivée de nouveaux voisins et que nos maisons disparaissent pour toujours plus de béton, ce que nous faisons ici est essentiel au salut de l’âme vençoise dont saint Véran et saint Lambert sont les étendards aujourd’hui comme hier et comme demain.

VIVE ST VERAN!

VIVE ST LAMBERT!

VIVE VENCE!

 Sébastien RICHARD

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